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2e partie : Waong yandé Une fortune acquise à la dur.

Notre père a eu 108 enfants. Ma fortune n’est pas issue d’un héritage quelconque. Comme je vous l’ai déjà dit, j’ai commencé par la vente de bois. Puis je partais à Ziniaré, à Zorgho, à Kaya à la recherche de cette fortune que vous voyez-là.

En octobre 1916, nous étions 42 à quitter ici à pied pour nous rendre en Côte d’Ivoire. 1562 km séparent Ouagadougou de Bassam. Une fois à Bobo, 27 de nos camarades ont décidé de partir pour Bamako. Nous étions donc 15 à continuer en Côte d’Ivoire.

A cette époque, l’ivoirien ne savait pas ce qu’était un habit. Il n’y avait non plus pas de viande là bas. Ils utilisaient des feuilles d’arbres ( pour se couvrir). Il n’y avait non plus pas de café ni de cacao.

Nous emportions donc des couvertures que nous avions achetées à 1 f l’unité pour les leur vendre.

Blaise Bassolet qui était au secrétariat du gouvernement et dont le père était le chef de Reo avait lui, acheté 250 moutons pour faire le voyage avec nous. Mais avant que nous atteignions Bouaké, il ne lui restait plus que 120 moutons. Les autres étaient morts en cours de route.

De Bouaké, nous sommes allés à Bindougou et de là nous sommes partis à Abengourou et d’Abengourou nous avons rallié Bingerville. Le siège de gouvernement qui était à Bingerville n’était même pas coiffé de tôles mais de feuilles.

De là nous sommes partis à Abidjan. Vous voyez l’Abidjan d’aujourd’hui avec sa chambre de commerce et le siège du gouvernement ? Eh bien ! A l’époque il n’y avait rien de rien. Ce n’était que des arbres !

Le chemin de fer quittait Abidjan et s’arrêtait à Agboville.
Quand je suis arrivé à Bassam, j’ai acheté un cheval à 250 cauris que j’ai revendu à 210 f que j’ai par la suite utilisé pour m’acheter un vélo.

En ces temps là, un roi baoulé, comme symbole de sa royauté s’achetait une queue de cheval et de l’or travaillé qu’il tenait à la main. Tout comme nos rois ici qui montaient des chevaux.

Quand je suis rentré au pays avec mon vélo, de tous les 5 000 000 environ d’habitants de la Haute volta, il n’y avait que le baloum Naaba Tanga qui avait un vélo qu’il avait ramené de son séjour en France.

C’était toujours en 1916. Monsieur Yaya Théophile également en avait. En ce temps j’avais une Mercedes qui valait plus de 10 000 000 mais j’étais plus fier de mon vélo. Je peux dire que sa valeur dépassait celle d’un avion de nos jours.

Je suis reparti deux fois à pied en Côte d’Ivoire en 1916 soit 6324 km. En 1917, j’y suis reparti 3 fois, toujours à pied. On accrochait les marchandises achetées au vélo et le tout était porté sur la tête. En 1918, 3 fois ; en 1919, 3 fois. En 1920 (…), on prenait le courrier ( bus de transport public) à Bassam.

Avec ma marchandise de 300kg je suis donc allé à Bassam pour prendre le bus du gouvernement à 20 f pour rentrer au pays.

Telle est l’origine de ma fortune.

Quand nous quittions Ouagadougou, nous passions la nuit à Kokologho, de Kokologho, nous passions la journée à Sakoincé de la bas, nous passions la prochaine nuit à Nabdogo. Puis la journée à Sabou ensuite nous passions la nuit à Godin et de Godin nous partions passer la journée à Tita et ensuite à Barma. Ainsi de suite.

A l’époque, il n’y avait pas de sel à Bobo Dioulasso. Ici en Haute Volta, ce sont les Mossi qui partaient vendre leur bétail à Koumassi et repartaient à Mopti à dos d’âne pour ramener du sel.

Même a l’arrivée du colon et alors qu’il n’y avait pas de véhicule de transport ici, eux également partaient à Koumassi ( il y avait en ce temps du sel à Koumassi) pour transporter le sel sur leur tête et revenir. . Mais ce moyen de transport ne leur permettait pas d’avoir suffisamment de sel pour tous.

Quand nous revenions de la Cote d’Ivoire, nous achetions le sac de bois à un tanka (sous unité du franc équivalent à 1/4f) et une cuillerée de sel suffisait largement pour 10 personnes. C’est ce que nous échangions contre de la nourriture.

En ce temps avec 5 f que nous changions en sous et en centimes, on pouvait se nourrir pendant un mois et demi. 1 sou permettait d’acheter environ 10 tubercules d’ignames. Ce qui était suffisant pour l’alimentation d’au moins 5 personnes.

De nos jours, les jeunes ne veulent plus travailler comme nous le faisions avant. Un enfant qui va à l’école et qui apprend à lire et à écrire dira qu’il ne peut plus s’adonner aux travaux champêtres qu’ils considèrent comme étant des « travaux de sauvages ».

Il lui suffit d’atteindre le niveau de la classe de 3e pour ne plus avoir aucune considération pour les travaux manuels.

Ce n’est pas cela la vie . C’est plutôt là, la source de la vie chère.

Moi même je suis parti en France et un peu partout. Mais malgré tout, je n’ai pas oublié comment pratiquer l’agriculture.

Voyez-vous, si l’argent dépendait des diplômes, c’est Ki-Zerbo qui serait le plus riche. La vérité est qu’il y a autre chose de bien aussi. Les travaux manuels peuvent être bénéfiques également.

Je reconnais que les savoirs acquis à l’école peuvent aider à mieux pratiquer l’agriculture. C’est pour cela il faut qu’à l’école les enfants apprennent également comment utiliser leurs cinq doigts autrement.

De sorte que même devenus fonctionnaires, ils puissent faire eux-mêmes leurs petits travaux manuels a la maison. Comme par exemple confectionner des briques ou s’occuper d’un champ agricole.

C’est tout ceci qui contribue au bien-être.

A suivre...


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