Moi qui vous parle, jusqu’à présent je m’investis également dans l’agriculture. Cette année le Mogho Naaba est même allé sur mes champs pour constater mes productions. J’ai pu récolter du riz que j’ai battu 4 jours durant pour avoir environ 1400 sacs de riz.

Pour le mil, j’en ai eu environ 500 sacs et j’ai 3 hangars de sorgho. Vous pouvez le vérifier à Yambtenga. J’ai construit un barrage d’un coût de 100 millions à Yambtenga, mon village. C’était sous Maurice Yaméogo.

Je leur ai dit de contribuer pour 40 millions et moi je contribuerais pour 60 millions. Mais ils ont refusé de le faire. C’est Maurice qui a ordonné au gouvernement de m’appuyer avec 20 millions que j’ai complété avec 80 millions pour réaliser le barrage.

On m’a demandé ce que je ferais après avoir réalisé le barrage. J’ai répondu que je construirais un centre de santé, une école primaire et un collège. Cela fait 4 ans que l’école fonctionne . Dans 2 ans, ce sera au tour du collège de sortir de terre.

Le collège, lui, m’appartiendrai en propre. Mais l’école et le centre de santé, je les remettrais à l’Etat. Même Lamizana le président de la République a participé à la fête inaugurale de ces infrastructures. Tout ceci, je l’ai réalisé sur fonds propres.

Je ne cherche pas à connaître l’origine des élèves inscrits dans mon collège qui sera un collège technique. Qu’un élève soit issu de ma famille ou pas, s’il est nécessaire que je paie pour qu’il puisse continuer ses études même en France, je le ferai.

C’est ma façon à moi d’apporter ma contribution puisqu’ il est impossible de combler les besoins des gens en leur distribuant de l’argent.

Pour l’ai-je fait ce don à l’Etat ?

Eh bien ! J’ai fait le tour du monde et j’ai compris que les travaux manuels sont une bonne chose. Mais c’est le savoir intellectuel qui élargit l’horizon et permet de conquérir le monde.

S’il y avait eu une école à Yambtenga à notre temps, moi aussi j’aurai appris à lire et à écrire. Mais je n’en suis pas découragé parce qu’étant de l’ancien temps, je n’ai pas craint de me battre physiquement pour m’en sortir.

Par contre, de nos jours, certains jeunes préfèrent se reposer pour après s’endetter pour vivre plutôt que d’utiliser leurs forces physiques. Moi, je ne le ferai pas !

Tous ceux qui ont au moins mon âge savent ce qu’est la honte. Pour cela, ils préfèrent se dépenser physiquement pour obtenir ce dont ils ont besoin.

J’ai fait ces réalisations dans mon village parce que quand nous étions enfants, il y avait un problème crucial d’eau. Les animaux souffraient de soif. J’ai vu comment nos grands-parents et nos parents ont souffert de la pénurie d’eau.

J’ai donc construit un premier barrage de décembre 1949 à avril 1950. J’ai recruté des ouvriers que je payais de ma poche. Comme ce premier barrage ne comblait pas tous les besoins en eau, j’ai fait alors entamer la construction du deuxième (celui qui avait couté 100 millions).

C’est deux barrages sont toujours en bon état.

J’ai eu le courage de le faire parce que je sais que ma fortune ne m’est utile que pendant que je vis. Dans les temps anciens, on thésaurisait l’argent en creusant des trous pour l’y cacher ou alors on achetait des esclaves avec.

De nos jours, si tu as des héritiers pour perpétuer ta fortune après ta mort, elle ne peut pas finir. Il y a des sociétés dans lesquelles tu peux participer. Moi par exemple, que j’aille à Paris ou ailleurs, il me suffit uniquement de partir avec un simple sac de voyage.

Parce que ou que j’arrive, j’aurai toujours les moyens de me prendre en charge. C’est le nouveau monde. Avant ce n’était pas possible.

Le jour de l’arrivée du gouverneur Cylindrée ici, tandis que le Mogho Naaba Koom attendait à la place d’armes, nous sommes montés à cheval (le baloum Naaba, le Ouidi Naaba, le Larlé Naaba et tous ceux qui pouvaient monter un cheval ou un chameau pour aller le rencontrer à Zagtoulli « (12km d’ici).

Mon cheval, je l’avais acheté à 20 f. Un étalon bien bâti. Cela signifie que 20f à cette époque c’était une fortune. C’était en 1919. L’année de la mise en place du nouveau marché. L’ancien se trouvait sur le site de la place d’armes.( Place de la Nation actuelle).

Le gouverneur fit confectionner des briques et en 1920, le gouvernorat était construit.

A un certain moment, nous ne voyagions plus à pied. Il y avait désormais des automobiles pour le faire. J’ai quitté ici avec ma femme en 1930 pour Bouaké.

Même si vous ne connaissez pas Bouaké, vous avez au moins déjà entendu parler de « Gonfreville. Celui-ci avait quitté la France en 1912 et ou il était affecté aux finances.

Des finances il a été affecté à Dabakala. Il quitta Dabakala en 1922 pour arriver à Bouaké. C’est en 1926 que de retour d’un congé, il ramena une machine.

En 1930, quand je suis arrivé à Bouake et qu’il avait ramené sa machine pour travailler, en ce temps-là, l’argent manquait partout parce qu’il y avait une crise en 1930.

Or, Madame Gonfreville avait contracté un prêt bancaire de 100 000f auprès de la BIAO à Abidjan. Elle a pris ce prêt le 1er janvier et devait le rembourser en octobre (soit 10 mois).

Mais en octobre, quand il fallait rembourser le prêt, elle ne le pouvait pas. On ferma donc son usine. Moi, j’étais déjà riche en 1930. Les balles qu’on vend à 30 000 f coutait 20 f. J’ai donc acheté 5 000 balles à 20 f l’unité. Ce qui faisait 100 000f que j’ai payés.

Je revendis la balle à 26 000f et j’ai racheté l’usine avec madame Gonfreville. La même année son mari décédait. Ma collaboration avec elle dura de 1930 à 1955.

J’avais signé un contrat d’exclusivité avec elle. Elle ne devait donc fournir personne d’autre que moi. De nos jours, à peu près 900 personnes travaillent à l’usine.

Tidjane Pathé

Archives du Burkina