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Exclusivité l’Interview de Awa Sissao : Il faut toujours garder son identité musicale.

Le 24 décembre dernier Jabbar a reçu la diva de la musique burkinabè Awa Sissao. Elle revient sur son parcours et jette un regard transversal sur la musique africaine et burkinabè en particulier.

Dresse-nous un bilan succinct de ta carrière musicale.?

Je rends grâce à Dieu car ce n’était pas évident et surtout je voudrais remercier du fond du cœur la presse nationale qui n’a ménagé aucun effort pour m’apporter leur soutien. Les mélomanes et l’ensemble du peuple burkinabè ont été pour beaucoup dans l’évolution de ma carrière, je leur en remercie.
Ça n’a pas vraiment été facile, mais quand on a la tête sur les épaules et qu’on sait ce que l’on veut, le résultat sera positif. Je me suis démerdé avec des personnes qui me sont chères comme le groupe Yeleen, Abdoulaye Cissé que j’appelle affectueusement « mon maître penseur », bref tous ceux qui de près ou de loin, m’ont aidé à grimper. Ça été une grande expérience bien que je pense que j’ai encore beaucoup de chemins à parcourir. Je continue toujours d’apprendre et le meilleur reste à venir.

Quels souvenirs gardes-tu de ton passage artistique aux côtés de « l’homme à la guitare », Cissé Abdoulaye ?

Cissé est comme un tatouage sur ma peau ! Il restera à jamais gravé dans ma mémoire. Au-delà du fait qu’il est mon cousin, il est celui qui m’a appris ce que c’est que le live. Il est celui qui m’a conduit inexorablement vers une carrière purement professionnelle.

Pourquoi as-tu décidé d’opter chanter sur les rythmes provenant en grande partie de ta région ?

Tout artiste doit avoir une identité. La mienne, c’est la culture malinké, le Dafing. Car on ne peut pas vouloir ressembler à un autre. A mon avis pour s’affirmer dans la société, il est préférable de mettre sa culture, ses origines en valeur.
Il ne sert à rien de copier ou de plagier celle des autres. Il faut avoir confiance en ce que l’on fait.
Si les congolais arrivent à véhiculer leur message à travers le lingala, les ivoiriens à travers le « coupé-décalé » ou le « Zouglou », les maliens à travers leur tradition, pourquoi pas les burkinabè ? Si on veut ressembler aux autres on perdra notre musique, bref notre identité.

Ta musique, notamment mandingue comme celle des autres artistes burkinabè officiant dans le même genre, est beaucoup plus écoutée au Mali, en Côte d’Ivoire et ailleurs dans la sous-région. Mais au Burkina Faso, elle est moins répandue sur nos ondes. Quelle analyse fais-tu ?

J’accuse tout le monde ! J’accuse les mélomanes, j’accuse les artistes, j’accuse la presse ! En ce qui concerne les artistes, nous sommes davantage coupables parce qu’il faut qu’on donne l’exemple. Se contenter d’être célèbre, c’est-à-dire : j’ai eu une moto ou une voiture ça va, franchement ce n’est pas ça la musique.
Je pense qu’il faut qu’on apprenne à imposer notre musique sur le plan national et le reste viendra tout seul. Tout n’est pas que pécuniaire, nous n’avons presque pas de mécènes dans notre pays.

On n’a pas besoin d’être dans le showbiz pour soutenir un artiste. Aider un artiste, c’est aider la culture de son pays. Sur le plan médiatique, les artistes affirment que, pour avoir une notoriété nationale, il faut avoir des affinités avec les journalistes. Ce n’est pas cas pour moi. Je ne côtoie pas la presse tous les jours, mais je m’efforce d’entretenir un respect mutuel entre la presse et moi.
Tu ne peux pas être un artiste impoli et vouloir que la presse te coure après, non ! Dans les médias, je pense qu’un artiste doit avoir au moins une journaliste ou un animateur avec lequel, il va communiquer. Car il te prodiguera des conseils, te fera des critiques et te donnera des rudiments en matière de communication. En sommes, nous sommes tous coupables ! Il faut qu’on se donne la main, car nous avons un objectif commun.

Les promoteurs de spectacles au Burkina, préfèrent organiser des spectacles en playbacks, ce qui exclut souvent certains artistes tels que toi. Comment appréhendes-tu ce choix ?

Certes ce n’est pas chose aisée pour nos rares promoteurs qui existent. Si leur bourse ne leur permet pas d’organiser des concerts live, on ne peut pas les en vouloir. Le live est couteux, je le reconnais, mais on gagnerait mieux à proposer des spectacles acoustiques. C’est-à-dire : voix-guitare, voix-ngoni ou encore voix-guitare-djembe-Ngoni-Kora etc.
Les promoteurs ont peur de ce côté financier pourtant, il faut qu’ils arrivent à faire jouer nos artistes en live. Certains parmi ces promoteurs sont même favorables au playback malgré que tu lui fasses d’autres propositions du live. Il refuse et trouve d’autres paradoxes pour ne pas t’inviter.

En outre, il y a des mélomanes qui préfèrent entendre leurs artistes chanter sur scène textuellement comme il l’écoute sur le CD. En tant qu’artiste, nous portons notre chapeau car nous sommes souvent obligés de leur faire plaisir. Parfois, on est contraint de balancer entre les deux.

Avec les nouvelles tendances musicales africaines, Sissao est-elle prête à embrasser ce rythme ?

Je n’ai pas de frontière mais ce n’est pas pour autant que je vais vilipender mon art. Ce n’est pas exclus de tendre la main à cette nouvelle génération mais tout dépend des artistes de cette nouvelle génération.
Je préfère travailler avec ceux que j’estime qu’ils ont un grand talent et qui respecte la profession. Je n’ai pas envie de rester dans le folklore, toute personne qui souhaiterait faire des collaborations avec moi est la bienvenue à la seule condition qu’elle ne nuit pas à ma carrière et à mon image.

Il faut l’accepter car il y a eu des moments où c’est la Salsa qui était en vogue, la Rumba, le zouk, le makossa, le Ndombolo, le coupé-décalé aujourd’hui, c’est l’azonto. Pourquoi pas demain, ça pourrait être la musique burkinabè ? Mais je pense qu’il faut toujours garder son identité musicale.

Pourquoi avoir sortie ce maxi de 2 titres à l’aube de l’année 2015 ?

(Rire)… J’ai évoqué pendant ma conférence de presse, le terme transition, certains ne m’ont pas compris. Mais en fait, je parlais de transition musicale car il y a une transition entre mon deuxième et mon troisième album. Les gens sont pressés de revoir Sissao dans de nouvelles productions.
Donc par conséquent, pour ne pas les blesser, j’ai sorti cet avant-goût en attendant le troisième qui sortira en 2015. Je ne suis pas en manque de créativité ni de chansons, raison pour laquelle, je leur offre ces deux tubes qu’ils ont eux-mêmes demandé.

C’est du « zouk-mandingue » et du « Coupé-décalé-mandingue ». On ne me connait pas dans les maxi ou le coupé-décalé mais pour faire plaisir aux fans je suis prête à tout ! Mon prochain album comportera 14 titres qui n’auront rien à voir avec de maxi.

Pourquoi le choix de ces tubes « Gounou » et « mariage » ?

« Gounou » parce que nous vivons dans monde de ragots où les gens ne sont pas vrais ! Donc j’invite les uns et les autres à se méfier des ragots car la majorité des informations que nous recevons, ne sont pas fondées et parfois elles sont imbibées de conflits, de méchanceté et de haine.
Faisons attention à qui on se confie car celui que nous croyons être notre ami, notre voisin, notre collègue, notre femme ou notre époux peut-être ton pire ennemi. En sommes « Gounou » veut dire « secret ». « Mariage », ce sont des conseils que je prodigue aux futurs mariés en prenant l’exemple sur moi.

J’ai compris que dans le mariage, il faut beaucoup dialoguer et s’écouter beaucoup. Le mariage est un acte sacré car quand on va à l’église ou à la mosquée, il ne faut pas se moquer de Dieu. La femme doit être constamment dotée du pardon et de l’amour pour son mari car l’homme, ne changera jamais son orgueil et son caractère. Les femmes ne doivent pas se comparer aux hommes. C’est le sens mutuel du dialogue qui doit toujours triomphé. Félicitations d’ailleurs à toi Hervé Honla, même tu ne m’a pas invité (rires)……

Justement, ton époux Amadou Diabaté dit ATT est également artiste musicien, comment faites-vous pour dissocier et allier les deux statuts. Celui du foyer et de la musique ?

Ce n’est pas facile, mais c’est aussi aisé. Pas facile parce que sans être artiste, vivre en couple c’est d’abord difficile. Facile aussi parce qu’en tant qu’artiste nous nous sommes connus dans ce métier et chacun respecte le métier de l’autre. On s’accompagne comme on peut, sans vouloir faire de l’ombre à l’autre.
Je m’en sors bien et d’ailleurs je lui dis merci car il a beaucoup contribué dans ce maxi… On vit bien ensemble par la grâce de Dieu car sincèrement on échange beaucoup malgré son tempérament, on arrive à tomber d’accord.

Tes vœux ?

Quand on parle de culture, on parle d’une vie. La seule chose qui ne meurt pas sur cette terre, c’est l’art ! Nous sommes nés dans une culture, respectons-la et valorisons-la. Les troupes traditionnelles sont en train de disparaître, tout le monde pense que c’est en faisant du « coupé-décalé » ou la danse nigériane qu’on peut s’en sortir. Il faut savoir ce qu’on veut dans sa carrière.

Soit tu veux être un artiste de mode en sortant un tube chaque année ou soit tu décides d’être un artiste d’endurance à l’image de Salif Keita, Youssou N’Dour, Oumou Sangaré ou encore Michael Jackson. Dans ce milieu, certains viennent pour frimer car ils pensent qu’on gagne facilement l’argent et d’autres sont là, car c’est une passion et une vocation. N’oublions pas seulement d’où nous venons.

Je terminerai donc en adressant mes vœux les meilleurs à tous mes amis, mes fans et ceux qui ne sont pas mes amis. Je leur souhaite de passer des bons moments en ces fêtes, moins d’alcool surtout. Et aux hommes ; d’éviter de dribbler les filles pour avoir des embouteillages à la maison (rires).

Hervé David Honla
Jabbar !


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