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1ere partie : Waong Yandé le premier millionnaire burkinabè
Je m’appelle Bernard Ilboudo et je suis né à Yambtenga à 6 km de Ouagadougou. Le prenom Waong-Yandé vient du fait que ma maman mettait au monde des enfants qui mouraient en bas âge.
A cette époque, il n’y avait pas d’agents de santé pour aider les femmes à enfanter. C’est ainsi que mon père a emmené ma mère chez les masques à qui on a dit aux masques que s’ils laissaient cet enfant mourir, ce serait leur honte personnel. ( Waong-yandé= honte du masque, littéralement).
Le masque consulté fit donc tout pour ne pas subir cette honte. J’ai en effet été victime de beaucoup de situations difficiles incluant des accidents de voiture mais je suis toujours là, vivant. A l’adolescence , je me suis baptisé catholique mais actuellement, je suis musulman. Pour moi, il s’agit du même Dieu.
Je suis né il ya 79 ans, soit en 1896. C’était l’année de l’arrivée du colon dans notre territoire. Ce jour là, ma mère était allée au marché. En ce temps le marché était situe sur le site de la place d’armes (Place de la Nation actuelle).
Quand le colon fit tirer des coups de feu pour annoncer son arrivée, il y eut de la panique et c’est au cours de sa fuite que ma mère me mit au monde.
En 1907, étant encore enfant, je partais déjà chercher du bois que je revendais aux sœurs religieuses contre du sucre. De 1907 à 1910, nous quittions Ziniaré et achetions des sacs que nous revendions à Ouagadougou.
C’est en 1912, que je suis allé à pied pour la première fois à Koumassi (au Ghana). Avant l’arrivée du colon, la vie tournaient autour de l’agriculture. Les cultivateurs apportaient leurs récoltes pour les vendre au marché. En ce temps, personne ne rejoignais les producteurs chez eux pour acheter leurs produits.
Les ventes des produits de l’élevage suivaient le même procédé. Il n’y avait personne de permanemment assis au marché entrain de vendre des marchandises comme de nos jours ou le marché est bourré de marchands tandis que les travaux manuels sont de plus en délaissés.
Le Mogho Naaba Koom qui est monté sur le trône en 1905, percevait un salaire de 20 f et c’était suffisant pour vivre. Les garde-cercles eux, étaient payés à 1 franc, de même que les militaires.
Nous dépendions du cercle de Bamako. Celui qui avait entre 2 et 4 femmes payait un import de 500 cauris. A plus de 10 femmes, l’impôt s’élevait à 1000 cauris pour le chef de famille.
De toute la Haute Volta, seuls le chef de Manga, celui de Zitenga et celui de Niou payaient un impôt de 100f. Personne d’autre ne payait un impôt de cette importance.
Pour payer l’impôt, on transportait les cauris qu’on venait échanger à Dapoya chez un monsieur appelé Boins-Yemdaogo ou chez une dame du nom de Pazempoko.
C’était avec eux qu’on échangeait ces cauris contre des pièces d’argent (afin de payer l’impôt)
Au début de mes activités en 1907, mes ressources financières s’élevaient à 12f et 1/4f. Avec les 2 f et le 1/4 f, j’ai acheté une ânesse et son petit. Mais les 10f restants m’ont été volés.
Cette perte m’a fait pleurer pendant 7 jours. Je ne pouvais même plus m’alimenter ( tellement j’étais sonné). De nos jours, ces 10 f équivalent à plus de 2 millions de francs. J’ai alors vendu 18 de mes chèvres à 3f pour encore reprendre mes activités.
Il ya 63 ans, c’est à dire en 1912, nous sommes allés à Kaya. J’avais 510 f que j’ai utilisé pour acheter 104 taureaux que l’armée à rachetés à 700 f.
A suivre...
Interview réalisée en 1975
ources : Archives du Burkina