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Sankara à un sommet franco-africain

C’est dans de bien singulières conditions que j’ai rencontré Thomas Sankara pour la première fois.

J’avais entendu parler de lui, j’avais envie de le connaître car chacun me l’avait présenté comme un non-conformiste, un romantique au grand cœur, un homme capable de mobiliser son peuple grâce à son imagination et à son courage.

Il venait à Paris pour participer à un sommet franco-africain. Tous les chefs d’Etat (ils arrivaient au rythme d’un toutes les cinq minutes) étaient accueillis dans un grand hôtel de la porte des Ternes, chacun avec un cérémonial éclatant, au milieu d’une escorte empressée de Parisiens de haut rang.

Et puis arriva un homme quasi seul, en uniforme et béret rouge, escorté d’un officier d’ordonnance timide ; personne pour lui souhaiter la bienvenue, pas de photographe pour le mitrailler. En somme, un convive qu’on attendait pas. Tout juste bon pour occuper le bout de la table.

Un préposé le conduisît à l’ascenseur et sans doute jusqu’à sa chambre où, très vite, je le rejoignis. A peine avais-je remis ma carte à son accompagnateur qu’il m’accueillait avec chaleur.

Mais quelle amertume ! Pourquoi cet accueil si médiocre, si désinvolte ? Pourquoi cette hostilité de la cellule élyséenne et de tout l’appareil d’Etat ?. Il envisageait de repartir comme il était venu.

Mais non ! La conversation prit bientôt un autre cours : la politique, le Burkina Faso, le développement, la mobilisation populaire, la lutte contre les spéculateurs et les corrompus.

Une tempête d’idées et de rêves, de projets et d’élans généreux. Et, en lui, une extraordinaire force de révolte.

J’ai passé avec lui deux heures excitantes. J’ai être séduit par cet homme qui ignorait tout des manières cauteleuses et solennelles de tant de « rois negres ».

Un homme simple, formé dans le milieu militaire, gai comme un pinson. Beaucoup de charme car, derrière cette exubérance, une extraordinaire culture et une intelligence que la pratique des textes marxistes avait affûtée.

Il rêvait d’un autre développement. Nous nous comprenons. Je lui promets d’aller le voir bientôt.

Edgard Pisani, Persiste et signe. Édition Odile Jacob.(1992)
P.273-274


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